Conakry est un village insulaire parti à la conquête de la péninsule qui l'abritait. L'île originelle de Tombo sur laquelle le village se trouvait s'est d'abord arrimée à la presqu'île de Kaloum, puis de digues en remblais, ce noyau a phagocyté la terre ferme. Ses limites naturelles sont des côtes ourlées de rochers que les toutes proches îles de Loos protègent de vagues trop violentes. Conakry est aujourd'hui une capitale très distendue, s'étalant sur une trentaine de kilomètres et dont la population est estimée à environ 1,5 million d'habitants. Toutes les communautés qui forment la Guinée y sont représentées en une bonne mixité, sans compter la communauté libanaise et les expatriés, et également, moins visibles mais bien présents, les ressortissants sierra-léonais, libériens, sénégalais, etc. La Guinée s'enorgueillit de rester, au-delà des difficultés, un pays ouvert. La capitale est horizontale : elle n'est pas parée des immeubles en verre miroir qui font la fierté d'Abidjan ou de Dakar et cette modestie a son charme. Le nouveau visage de Conakry, ce sont probablement ces résidences de cinq à six étages qui poussent partout comme des champignons, telles qu'on peut les voir dans le quartier de Camayenne tout particulièrement. "" L'argent de la drogue et des détournements "", disent les Conakryka. Quoi qu'il en soit, ces immeubles "" à l'Européenne "" préfigurent la cellule d'habitation d'une bourgeoisie montante. S'y retrouvent également les membres de la communauté libanaise ainsi que les expatriés européens ou américains. La configuration péninsulaire de la ville fait son charme et sa faiblesse : aux heures de pointe, les principales artères sont totalement saturées et les conducteurs résignés en profitent pour faire leur complément de courses auprès des multiples jeunes vendeurs qui tendent leur marchandise - cartes de téléphone prépayées, CD, fruits et légumes, poulets, etc. La nuit venue, quand la brise balaie la cité, fait frissonner de plaisir les expatriés et frissonner tout court les Guinéens, les maquis s'animent et se remplissent. Conakry, ou du moins sa frange de population la plus jeune et remuante, n'a plus qu'une idée : trouver l'argent pour la bière et pour s'amuser. Ceux qui en ont la sillonnent en 4X4 jusqu'à l'aube et ceux qui n'en ont pas cherchent sans relâche un moyen de s'en procurer. Un portrait de la cité en capitale d'Afrique de l'Ouest à la fois fébrile et très humaine serait incomplet sans mentionner sa jeunesse privée de travail et d'espoir d'en trouver. Elle a manifesté son impatience et son désespoir dans les journées d'émeutes qui ont secoué le pays en 2007. Habitant les quartiers éloignés du centre tels que Cosa ou Enco 5, parfois rebaptisés "" Peshawar "" ou "" Bagdad "", elle est la colère de Conakry, une capitale, à sa manière discrète, sur le fil du rasoir entre Freetown et Dakar.